L’exercice de prospective au service de territoires en crise

mercredi 1er juin 2022, par DUQUESNOIS Franck, HANNIN Hervé, BRUGIERE Françoise

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En quoi est-il pertinent pour des acteurs au sein d’un territoire en crise de procéder à un exercice de prospective ? Les acteurs au sein d’un territoire en crise font face collectivement à un amenuisement de leurs ressources et de leurs performances. Chez ces acteurs, la fracture entre les réalités et la perception de ces réalités s’accentuent, s’en suivent des pertes de sens, voire d’identité. Les stratégies opportunistes se multiplient au détriment de l’intérêt commun. Dans le cadre d’un dispositif participatif, l’exercice de prospective est susceptible de faire émerger différents apports au sein du territoire en crise concerné : la reconstruction de représentations communes partagées, le désarmement des conflits à court terme, la sortie de la « dictature de l’urgence », la fabrique de stratégies collectives pour faire advenir proactivement un futur commun le plus favorable pour tous.

Historiquement, les « méthodes » pour mobiliser en contexte de crise et inciter à agir ne manquent pas. Faire appel au passé pour remobiliser au présent en est une. À l’instar de la tapisserie d’Angers, commandée vers 1373, chef-d’œuvre de l’art médiéval localisé dans la ville d’Angers, qui représente le récit prophétique concluant la Bible et nommé Apocalypse de Jean ou encore Livre de la Révélation. Cette tapisserie représente les visions de Jean sous forme d’allégories qu’il convient de décrypter. Une de ses visions y est représentée par un Fils d’Homme qui porte dans sa bouche l’épée à double tranchant qui symbolise la parole de vérité. Elle tranche dans ce qui est confus, négatif, déviant. Ceci nous rappelle que le sens du terme grec Apokalupsis est dévoilement, mise à nue, et non catastrophe. Une autre vision de Jean est représentée par un cavalier qui est la colère qui apporte la guerre. Ce cavalier nous apprend à ne pas nous tromper de lutte. La haine de l’autre mène à la destruction. L’Apocalypse est un chemin de métamorphose, montrant l’extinction d’un monde mais conduisant à une renaissance. L’espérance est au cœur du récit. Dans les périodes troublées de l’histoire, son impact prophétique revient avec force.

L’avenir peut être aussi convoqué pour inciter à agir au présent. C’est le cas lorsqu’un exercice de prospective est mobilisé et mis au service de territoires en crise. « Particulièrement en période de crise, les risques de mutation, de rupture nous effraient et incitent au repli sur soi. La prospective nous invite à anticiper ces évolutions, à exploiter ces ouvertures plutôt qu’à nous cramponner au passé » [1]. La démarche de prospective postule que l’avenir peut être en partie construit sur la base de la volonté des acteurs et des organisations appartenant au territoire en crise concerné. Elle refuse ainsi la fatalité, éclaire les acteurs et incite à agir. La prospective cherche donc, non pas à deviner l’avenir, mais à faire en sorte qu’il soit davantage souhaité plutôt que subi.

Il nous faut dessiner une trajectoire entre un passé plus ou moins reculé dont l’héritage est ce qu’il est, et un avenir assez éloigné pour que l’on puisse y loger un espoir à la fois suffisamment raisonnable pour être crédible et suffisamment fou pour qu’il nous confère l’énergie nécessaire à sa réalisation. C’est ce qu’on appelle un projet, le fait de jeter en avant dans un temps à venir une image d’un avenir souhaitable qui, tel un aimant, nous attire, nous donne la force d’avancer, confère un sens et une cohérence aux décisions et aux actions qui sont les nôtres au quotidien et que nous devons négocier avec notre environnement. [2].

Dans son ouvrage, Michel Godet [3] affirme que l’absence de prévision des crises économiques explique la crise de la prévision et l’essor de la prospective qu’il décrit comme « une création de l’avenir ». Selon lui, « c’est la pluralité de l’avenir qui le rend incertain et l’objet de la prévision est double ; il consiste, d’une part, à repérer les futurs possibles et, d’autre part, à estimer (lorsque c’est possible) leurs probabilités de réalisation compte tenu, le cas échéant, des actions qui peuvent être engagées dans tel ou tel sens ». « Pour le prospectiviste, le futur est ouvert, objet de projet, d’intention et de volonté. Ce qui ne veut pas dire, bien au contraire, que le présent importe peu mais qu’il ne détermine pas de manière irrémédiable le futur » [4]. L’avenir à long terme (au moins 15 à 20 ans) n’étant pas prédéterminé, il n’est pas connaissable et est ouvert à plusieurs possibles. L’avenir n’émerge pas du néant mais du présent qui recèle des tendances lourdes et des signaux faibles. À ce titre, un scénario prospectif n’est pas une prévision. Nous souhaitons préciser que l’avenir dessiné par l’exercice de prospective n’est pas non plus de l’ordre du rêve bien qu’il partage avec lui son influence sur le monde en produisant quelque chose qui en général va au-delà même de ce que les participants avaient pu imaginer. Otero [5] nous rappelle qu’en contexte de crise « il est urgent de se remettre à rêver pour pouvoir changer, pour pouvoir avancer, pour pouvoir résister, pour pouvoir avoir une influence sur le monde ». « Le rêve c’est quelque chose qui fait que les gens se mettent à agir au fond, après évidemment ce n’est pas le rêve qu’ils ont eu qui se réalise mais peu importe, il y a quelque chose qui se passe et qui en général est au-delà même de ce qu’ils avaient pu imaginer. C’est ça qui est très beau, c’est finalement que quelque chose qu’on n’a pas prévu arrive et qui soit plus beau que tout ce que l’on peut imaginer » [6]. Ainsi, De Jouvenel [7] nous invite à nous interroger dans ce sens :

Qu’est-ce qu’un projet sinon un rêve passé au crible de la raison ? Un rêve dans la mesure où il prend racine dans nos valeurs les plus fondamentales, non dans l’humeur du moment, non dans la fugace émotion que suscitent les évènements, non dans l’opinion volatile qu’inspire la conjoncture, mais dans ce qui constitue nos aspirations et nos convictions les plus profondes. Passé au crible de la raison car, pour que ce rêve vraiment nous entraîne, il faut que nous soyons convaincus, à tort ou à raison, qu’il est réalisable, certes au prix d’un effort, d’une tension, d’une volonté qui ne fléchisse pas au moindre obstacle. Ce qui est vrai au niveau individuel l’est aussi au niveau collectif et ce que nous essayons de faire en prospective s’inspire directement de cette philosophie de l’existence. Appliquée à la Cité, elle s’apparente fortement, n’a de réelle raison d’être, que si elle se traduit effectivement par l’adoption d’une politique, d’une stratégie.

Pour autant, l’exercice de prospective au service d’un territoire n’est pas non plus de la planification territoriale bien qu’il partage avec elle une forme participative voire démocratique d’un dispositif au service des acteurs de ce territoire. L’exercice de prospective répond ainsi à un besoin de plus de démocratie participative en regard de l’organisation par l’État d’une planification territoriale.

La planification territoriale est probablement très importante car beaucoup de nos enjeux de transformations écologiques doivent se discuter dans les grands bassins de production qui sont quasiment en train de devoir refaire leur reconversion industrielle pour un nouveau projet économique dans les territoires. Par exemple, s’il faut transformer l’agriculture bretonne en une agriculture positive pour le climat et la biodiversité, il faut pouvoir se concerter, « faire de la prospective » ensemble, trouver des scénarios et faire des contrats de transition. En fait, en dehors de l’organisation de l’État, cela suppose une forme de participation, de concertation avec les acteurs [8].

Il y a cependant quelque chose de paradoxal d’opérer auprès des acteurs en crise guidés parfois par l’urgence voire leurs émotions (peur, colère, angoisse), un exercice de prospective normalement focalisé sur le long terme. Les professionnels des méthodes prospectives s’interdiraient même une trop grande sensibilité aux effets de buzz ou une surréaction aux événements présents. En effet, les tendances lourdes, comme les signaux faibles que l’on cherche à identifier pour construire des scénarios de long terme risqueraient fort de se trouver « pollués » par des processus à l’œuvre en période de crise ; et pour graves et aveuglants qu’ils puissent apparaître, ceux-ci ne doivent pas être confondus avec les premiers car ils présentent souvent comme première caractéristique d’être intimement liés à la période de crise considérée et donc potentiellement dotés d’une même longévité. Ils reconnaissent cependant une efficacité singulière à ces méthodes qui méritent d’être considérées dans les dispositifs de réponse aux crises des territoires du fait de trois aspects au moins : c’est souvent en état de crise que les acteurs en appellent à la prospective ; la capacité managériale à créer des représentations partagées est propice à une action collective pour la résolution de crises ; la capacité d’éclairage de l’avenir permet de jeter un regard nouveau sur le présent et donc d’ouvrir sur des leviers utiles au présent.

Suivant ce constat, il nous semble important de nous interroger afin de comprendre en quoi il est pertinent ou non pour des acteurs au sein d’un territoire en crise de procéder à un exercice de prospective. Après avoir défini dans une première partie le terme territoire associé au terme crise, nous présenterons dans une seconde partie la méthode de la prospective et préciserons en quoi le processus afférent à cette démarche offre des apports spécifiques aux acteurs des territoires en crise. Dans une troisième partie, nous illustrerons de manière détaillée et nuancée, par des exemples d’exercices de prospective, ces apports spécifiques dont ont bénéficié certains acteurs faisant face à des crises de différentes natures et à différentes échelles de territoires. Ainsi, nous relaterons brièvement les résultats (quatre scénarios) d’un exercice de prospective à 2035 pour la filière vin réalisé par FranceAgriMer pour le compte de la Confédération des Coopératives Vinicoles de France (CCVF). CCVF comprend des acteurs ancrés sur tout le territoire national et faisant face aux conséquences de la crise économique et financière internationale [9]. Ensuite, nous relaterons avec davantage de précisions un second exercice de prospective auquel auront participé deux de nos auteurs et qui aura généré des stratégies collectives pour faire face aux changements en lien avec la crise climatique sur le territoire du Val de Loire [10]. Enfin, nous entamerons une discussion sur les vertus d’une démarche de prospective en contexte de crise, avant de conclure.

I. Des territoires et des crises

Selon une définition issue du dictionnaire Larousse, un territoire est « une portion de l’espace terrestre dépendant d’un État, d’une ville, d’une juridiction ; espace considéré comme un ensemble formant une unité cohérente, physique, administrative et humaine ». Nous associons au territoire l’ensemble de ses « acteurs » et ce dans une acception large (citoyens, professionnels, managers, corps intermédiaires, etc.) donc les acteurs potentiellement impliqués dans une sortie de crise du territoire concerné. C’est dans le cadre d’un exercice de prospective et par le prisme de ces différents acteurs du territoire en crise (de différentes échelles : du local au régional voire à l’association de territoires qui formerait une confédération au niveau « national ») que nous nous intéresserons aux liens entre territoire et crises.

Nous souhaitons préciser qu’en France, selon Lamarque et Maymo [11], les territoires ont souvent « le sentiment d’être oubliés ou ignorés par le pouvoir central, qu’il soit politique ou économique. Les centres de décision ont quitté les territoires. Les structures locales peinent à avoir de la visibilité sur les actions du quotidien ». Ce constat semble partagé par Moreno [12] :

On le voit en France, pays très centralisé, où l’État ne peut assumer efficacement son rôle de planificateur qu’à partir du moment où il prend racine dans la vie locale et tisse des liens avec les gouvernances locales, les citoyens et les acteurs de l’économie. Ce manque, constaté au travers des décennies de jacobinisme à outrance, a donné lieu aux difficultés d’une politique nationale qui n’a pas su écouter les territoires, sentir leur pouls et passe à côté du besoin impérieux d’un rééquilibrage dans leur gestion pour donner corps à une politique territoriale, locale, ambitieuse avec des prérogatives et des moyens conséquents, à la hauteur des défis de la décennie.

Nous citons ici le point de vue de Treyer [13] qui nous invite à créer un cadre favorable davantage participatif pour faire face collectivement aux contextes de crises territoriales et notamment à la crise écologique. « Il faut une réforme des institutions un peu plus large pour mener à bien cette transition et cette planification écologiques. Une réforme des institutions assurerait qu’on ait plus de démocratie,qu’on ait plus de dispositifs participatifs en regard de l’organisation de cette planification ».

[À l’instar de :] ce que faisait le commissariat général au plan ou la Datar, la délégation à l’aménagement du territoire et à l’action régionale dans les années 1950-1960 au grand moment de la planification en France, on a besoin aussi que les corps intermédiaires soient des courroies de transmission, entre ce qui se négocie à Paris et ce qui peut marcher dans les régions et dans les territoires. On a besoin de dispositifs de participation des acteurs, de participations qui viennent compléter la démocratie élective, et donc on ne peut pas faire de la planification sans avoir ces enceintes de négociation où l’on construit l’intérêt général par des dispositifs participatifs, on pourrait imaginer une convention citoyenne dans les régions, mais aussi redonner du poids et du pouvoir et de la place à ce que l’on appelle les corps intermédiaires et qui sont aujourd’hui extrêmement affaiblis [14].

Après ces constats, un malaise semble perceptible au sein des territoires. Ainsi, nous pouvons nous poser la question suivante : ces territoires sont-ils « en crise » ?

Nous verrons que la démarche de prospective peut répondre en partie à ce besoin de plus de démocratie participative au niveau territorial, puisqu’elle consiste notamment, par un dispositif participatif, à produire collectivement des représentations communes scénarisées, cohérentes et contrastées de futurs possibles, à les mettre en discussion, afin de contribuer à l’organisation d’un débat sur l’avenir du territoire en crise. Nous nous intéresserons aussi aux territoires « en crise » car faisant face à des crises de plus ou moins grandes ampleurs, nous tenterons aussi d’analyser certaines formes de réponse aux crises, toujours à l’échelle territoriale.

Il nous semble judicieux à ce stade de répondre à cette question centrale : qu’est-ce qu’une crise ? Le Petit Larousse [15] offre la définition suivante du terme crise : « la crise est une période difficile dans la vie d’une personne ou d’une société, situation tendue, à l’issue de laquelle dépend le retour à un état normal ». Thom [16] explique que l’origine de la crise serait liée à une « déprivation sensorielle ». Ainsi, ce serait la non perception des changements de notre environnement qui ferait que notre système de référence soit inadapté à notre environnement créant par là même un décalage entre nos référents et la réalité. Turner [17] a étudié le concept de perception de la crise. Selon Turner, les crises partagent en commun cette fracture entre réalité et construction collective de la réalité. Les significations partagées en commun deviennent obsolètes devant la réalité d’une situation particulière.

« La crise est aussi un événement rare aux manifestations uniques. Les effets d’expérience sont souvent insignifiants pour donner à l’organisation l’occasion de puiser dans l’expérience du passé ». [18].

Concernant l’origine étymologique grecque du mot crise, sa racine κρί vient du mot grec Krisis signifiant « décision ». Krisis (κρίσις) est apparentée à une action ou une faculté de « décider », « trancher », « juger », « choisir », « élire », « distinguer », « trier », « séparer », « exclure » [19]. Bien que ces verbes soient transitifs, il existe une forme d’acceptation de la crise : nous subissons la crise, nous en sommes victimes. La citation « naturae conflictus quos Graeci crises appellant » (Caelius Aurelianus, Ve siècle, Acutarumsive celerum passionum libri 3. 2, 19, 120) nous rappelle que les Grecs appelaient crises : « les assauts de la nature ». A priori, il y aurait donc, dans un contexte de crise, quelque chose d’extérieur à notre volonté qui nous dépasse. Quelque chose qui « décide » et qui « trie » au sens de passer au « cri-ble », de « dis-cri-miner » et qui, sous la forme d’une sélection naturelle, frapperait inéluctablement comme pour purger. Ainsi, d’un côté, la racine grecque Krisis (κρίσις) dérive sur l’idée de « péché » que l’on relie à une forme d’excès temporaire (le péché de cupidité, la surproduction, la bulle financière, etc.) mais aussi de « se damner » évoquant la faute et une relative responsabilité pour celui qui aura pris part à une forme de mise en échec de soi ou des autres. D’un autre côté, Krisis (κρίσις) dérive sur l’idée d’« in-cri-miner », « juger », « condamner » ceux-là même qui ont perdu prise avec le réel. Ainsi, la crise « met en accusation » ceux qui n’ont plus la « faculté d’expliquer ou d’interpréter un songe » [20], ceux qui sont dans la « confusion » et le « doute », ceux dont la perception des choses est en décalage avec la réalité, qui de ce fait n’ont plus la faculté de discerner, et donc de décider. Ceux-ci seront les mêmes qui, tôt ou tard, seront remis en cause, « exclus », voire « évacués », car il existe un potentiel létal qui accompagne la « cri-se » comme le « cri-me ».

Ainsi, la crise porte en elle un potentiel : le pire, et ce en raison de multiples phénomènes de résonance. « [...] l’idée de crise ne peut se réduire à l’idée de conflit interne au sein d’un système, mais qu’elle porte en elle la possibilité, la multiplication, l’approfondissement, le déclenchement de conflits » [21]. De fait, les crises portent en elles plusieurs alternatives pour le système affecté : la désintégration totale ou la mort du système, le retour au statu quo par absorption de la rupture, mais aussi et surtout des possibilités de changements.

Selon Morin [22], les crises sèment le terreau du changement et de la transformation et revêtent donc une fonction révélatrice. Ainsi, la crise est souvent révélatrice de dysfonctionnements, voire d’absurdités, d’une partie d’un système et, de ce fait, mobilise imagination et efforts en vue de changements nécessaires. Selon Morin [23], la crise qui s’inscrit en dehors des régularités et des déterminismes, crée de nouvelles conditions pour le déploiement de l’action et ouvre le champ des potentialités de création et d’innovation. Morin a mis en évidence l’aspect « effecteur » de la crise parce que celle-ci « met en mouvement des forces de transformation propres à favoriser l’évolution, et qu’elle peut constituer un moment privilégié de changement ». Nous ajouterons que doit être pris en considération l’aspect autonome d’une crise qui possède sa propre dimension temps [24]. Cet auteur précise qu’« il a été démontré statistiquement qu’une opération de secours est bien souvent une course entre deux dimensions de temps : le temps propre de l’événement dont les conséquences s’aggravent naturellement avec le temps et le temps propre à la montée en puissance des moyens de réponse jusqu’à ce que le niveau de réponse soit adapté à la gravité réelle de la situation et permette de traiter les situations ». Nous expliquerons en quoi l’exercice de prospective éclaire le présent et aide à la prise de décision.

« La décision est souvent l’art d’être cruel à temps » [25]

Concernant une crise, elle n’est pas seulement datée, « elle est située dans l’espace », rappelle la géographe Magali Reghezza-Zitt. Au-delà de ses caractéristiques matérielles : sa réalité physique, sa fonction et son organisation structurelle, « tout espace est approprié politiquement ; c’est un lieu de pouvoir », explique la géographe. Sur cet espace, nous projetons une identité que le récit permet d’ancrer. Un récit qu’il faut souvent reprendre, compléter, réviser, car l’histoire d’un territoire n’est pas linéaire mais sans cesse heurtée, bouleversée. Et c’est justement dans la manière dont un espace parvient à conserver son identité et sa substance à travers les crises que se joue sa soutenabilité [26].

Nous verrons ainsi en quoi la démarche de prospective participe à la soutenabilité d’un territoire dans le temps.

II. De la méthode et des différents apports de l’exercice de prospective

La prospective n’a pas pour objet de prédire l’avenir d’un territoire mais de permettre aux acteurs de ce territoire d’anticiper différentes situations qu’ils pourraient rencontrer, sans préjuger de leur caractère probable, souhaitable ou au contraire redoutable. Comme évoqué en introduction, l’avenir n’émerge pas du néant mais du présent qui recèle des tendances lourdes et des signaux faibles. D’une façon générale, un exercice de prospective ne vise pas la prévision et par conséquent un scénario prospectif n’est pas une prévision (cf. figure 1 ci-dessous).

Figure 1 : Un scénario n’est pas une prévision
(Source : Hannin et al., 2011) [27]

Dans un contexte trop turbulent ou sur un terme trop long, la notion de prévision, par prolongements de tendances n’a plus guère de sens dès lors que les modèles qui la sous-tendent ne présentent généralement qu’une robustesse limitée ; elle perd de sa pertinence à mesure que l’on souhaite éclairer les termes plus longs pour lesquels rien ne vient garantir la pérennité des déterminants [28]. En tout cas de tels prolongements restent beaucoup moins utiles qu’une mobilisation des acteurs sur une compréhension commune des avenirs possibles et sur les possibilités d’action qui en découlent. Nous rappelons qu’à terme, cette démarche de prospective doit favoriser l’émergence de stratégies collectives au sein du territoire en crise, stratégies qui seront implémentées par les différents acteurs du territoire en crise concerné.

Concernant la démarche de prospective, nous devons nous interroger sur la scientificité de la méthode adoptée. Dans les faits, la méthode de la prospective s’appuie sur des travaux et résultats scientifiques en même temps qu’elle invite à de nombreuses concertations entre spécialistes et avec les professionnels. Pour autant, les résultats qu’elle produit, notamment les scénarios ne peuvent prétendre à une scientificité au sens où ils dépendent significativement de la composition des comités opérationnels réunis : d’autres compositions auraient certainement conduit à des scénarios différents. Pour autant, l’objectif étant de délimiter une sorte de cône des futurs possibles (Figure 1), la nature exacte des scénarios est sans doute moins importante que les directions possibles identifiées. En tout état de cause, cette faiblesse apparente ne met pas en péril l’exercice dont le succès dépend bien davantage de son appropriation par les acteurs du territoire en crise concerné.

A. De l’importance d’une appropriation par les acteurs du territoire en crise concerné

Pour que les objectifs soient atteints, un aspect primordial est à prendre en compte : l’appropriation de l’étude par les acteurs du territoire en crise concerné. Ceci constitue un enjeu majeur qui ne doit pas être perdu de vue tout au long du déroulement de l’exercice. De fait, cet exercice se doit de proposer aux initiateurs un cadre de démonstration auquel la majorité des partenaires participe et adhère. Dans ce sens, ce n’est qu’une fois que les acteurs (décideurs) sont pénétrés de la gamme des futurs possibles qu’il devient envisageable de les aider à décider de manière plus pertinente. Ainsi, même si la prospective répond bien souvent à une commande qui fixe, dans une certaine mesure, un cahier des charges pour le travail à entreprendre, il faut considérer que la décision n’est pas un acte bref dans le temps, mais bien un « processus qui mûrit à son rythme ». L’idée est de maintenir, tout au long de l’étude et autant que faire se peut, le champ des possibles grand ouvert afin de se prémunir d’un risque majeur : un resserrement trop rapide sur-le-champ de la décision.

« Demain est moins à découvrir qu’à inventer » [Gaston Berger]

Concernant la méthode utilisée lors des exercices de prospective, il en existe plusieurs, nous nous référerons ici à la méthode SYSPAHMM (Système, Processus, Agrégat d’Hypothèses, Micro-et Macroscénarios) formalisée par Michel et Clementina Sebillotte à l’INRA. Plus précisément, cette méthode repose sur la représentation commune du système étudié et des problématiques porteuses d’enjeux pour l’avenir. Ces problématiques sont l’objet d’exposés d’experts et enfin le support de la rédaction d’hypothèses dont l’expression en recto et en verso permet d’envisager différents futurs possibles.

L’élaboration des scénarios prospectifs incombe à un groupe d’experts qui sont identifiés et réunis, et dont les compétences diversifiées sont croisées dans un contexte de liberté de parole et d’efforts constants de compréhension mutuelle. Ce groupe d’experts, dénommé « cellule d’animation » de la prospective, est constitué de chercheurs, d’experts de l’administration et de professionnels, nombre d’entre eux sont des acteurs du territoire en crise concerné.

Tout au long de l’exercice, une attention particulière est portée à la construction des représentations communes en se donnant le temps de l’interdisciplinarité. Chaque expert n’est là que pour partager ses connaissances et permettre à chacun d’en comprendre les enjeux pour l’avenir. Les membres du groupe contribuent à chaque étape de la construction : de la rédaction d’hypothèses par chacun sur tous les sujets, à l’établissement des relations d’influence dépendance entre les hypothèses, au choix des hypothèses motrices jusqu’à la sélection des concaténations de microscénarios pour élaborer les scénarios globaux.

Plusieurs centaines d’hypothèses peuvent être ainsi rédigées. Ensuite, quelques dizaines d’entre elles, jugées les plus déterminantes pour l’avenir du territoire, sont, in fine, sélectionnées. Ces hypothèses ne sont pas uniquement tendancielles, elles incluent également des signaux faibles actuellement d’ampleur limitée mais jugés potentiellement porteurs de modifications sensibles de la trajectoire des acteurs du territoire à l’avenir. Les relations d’influences et de dépendances entre ces hypothèses considérées deux à deux ont été établies et utilisées pour regrouper les hypothèses les plus liées entre elles en agrégats. Ces agrégats constituent la trame des scénarios interdisciplinaires qui tiennent compte des liens entre les hypothèses et en valorisent les libellés recto et verso. À l’issue de plusieurs étapes de réduction de la complexité, sont écrits quatre à six scénarios contrastés d’évolution à 15 ou 20 ans. Pour chaque scénario, il est possible de dégager les enjeux et conséquences pour tel ou tels acteurs du territoire : si le scénario se produit, alors qu’est-ce qu’on gagne (en quoi est-ce une opportunité) ? Qu’est-ce qu’on perd (en quoi est-ce un risque ou une menace) ? Et quelles sont les conséquences ?

Comme nous l’avons déjà précisé, les visions scénarisées du futur ne s’apparentent en rien à de la prévision. Elles proposent simplement des futurs possibles et crédibles sans considération de probabilité pour leur occurrence. Une fois les scénarios rédigés, l’analyse de leurs conséquences va servir de base aux réflexions stratégiques. « Ainsi perçue, la prospective n’est pas une évasion dans le futur mais le moyen, pour les décideurs et les chercheurs, de revenir au présent, mieux armés pour l’infléchir selon nos intentions et nos exigences » [29].

Il appartiendra aux acteurs du territoire en crise de se prononcer sur les attitudes à adopter vis-à-vis des scénarios en choisissant parmi cinq attitudes possibles :

  1. Proactivité positive : agir dès aujourd’hui pour favoriser l’advenue du scénario.
  2. Proactivité négative : agir dès aujourd’hui pour défavoriser l’advenue du scénario.
  3. Réactivité anticipée : se préparer dès aujourd’hui à l’advenue du scénario.
  4. Veille : ce scénario doit être placé sous surveillance, pour savoir si son advenue se dessine au fur et à mesure du temps.
  5. Aucune attitude : ce scénario ne présente pas d’intérêt particulier.

C’est à partir de ce positionnement que pourra s’engager une démarche stratégique sur le territoire concerné.

B. Les apports spécifiques attendus pour les acteurs des territoires en crise impliqués dans une démarche de prospective

Nous venons de comprendre en quoi l’exercice de prospective est susceptible de faire émerger au sein du territoire différents apports importants pour une sortie de crise : la reconstruction de représentations communes, partagées et non nécessairement consensuelles chez ces acteurs territoriaux ; la fabrique de stratégies collectives pour faire advenir proactivement un futur commun le plus favorable pour tous.

Préalablement, d’autres apports et non des moindres peuvent être anticipés : le désarmement des conflits à court terme entre acteurs au sein du territoire en crise concerné, tout comme la sortie de la dictature de l’urgence. En effet, l’exercice de prospective est un outil de créativité. La cellule d’animation de la prospective joue le rôle de médiateur qui réinjecte du long terme dans les relations entre les acteurs au présent, relations souvent mises à mal par des tensions qui ont peut-être déjà dégénéré en conflits au sein du territoire en crise concerné.

A priori, la prise en compte du long terme offrirait prioritairement aux partis en relation conflictuelle des scénarios « positifs » appartenant au futur. Les différents partis ont bien souvent intérêt à une coopération neutre pour faire advenir proactivement un scénario positif (proactivité positive). Il faudrait donc aller chercher des « charges positives » dans le futur (scénario positif prospectif) et les réinjecter au présent (en faisant accepter l’avènement possible de ce scénario futur). Les « charges positives » neutraliseraient les « charges négatives » trop prégnantes au présent et favoriseraient le retour à la communication entre les différents partis. Les différents partis comprennent alors qu’ils ont intérêt à privilégier le consensus et l’abnégation individuelle au profit de l’intérêt de tous.Toutefois, dans ce processus de sortie de crise, les choses ne sont pas si simples. Il nous faut aussi considérer les scénarios « négatifs » qui invitent à « penser contre soi-même ». Ces scénarios négatifs peuvent aussi être très stimulants et doivent être conservés dans la réflexion le plus longtemps possible, pour générer les actions visant à les empêcher d’advenir. La prospective est une démarche anti-fataliste, le futur n’étant pas déjà écrit, elle invite à prendre conscience des marges de manœuvre et des actions possiblespour orienter l’avenir dans un sens favorable. Le travail sur les représentations communes conduit à identifier les relations d’interdépendances notamment entre acteurs. Le fait de mener des exercices sur et pour des collectifs (à l’échelle de territoires en crise mais aussi de filières, etc.) engage à chercher dans les futurs possibles leurs conséquences pour les différents « partis ». Nous rappelons qu’il s’agira in fine de se donner les moyens de faire advenir un futur qui soit souhaitable par tous.

III. Des illustrations d’apports d’exercices de prospective au cœur de territoires en crise

À titre d’illustrations, et afin d’éclairer davantage les liens entre territoires et crises, nous proposons dans un premier temps, de relater les résultats d’un exercice de prospective à 2035 pour la filière vin réalisé par FranceAgriMer pour le compte des Vignerons Coopérateurs, anciennement la Confédération des Coopératives Vinicoles de France (CCVF), acteurs ancrés sur le territoire national et faisant face à un contexte de crise économique et financière mondiale. Cet exercice a compté un groupe d’experts de 17 membres qui s’est réuni 15 fois entre janvier 2015 et début février 2017 et qui a produit quatre scénarios [30]. Les plans respectifs de ces quatre scénarios sont exposés dans le Tableau 1. Le détail de ces scénarios sont accessibles en ligne sur le site internet de FranceAgriMer. Dans ce premier cas, les titres et les sous-titres de ces scénarios sont évocateurs et soulignent à eux seuls l’intérêt d’une démarche de prospective (ici à l’échelle nationale) lorsqu’un territoire fait face à une crise importante.

Tableau 1 : Les quatre scénarios de la Prospective Coopération Vinicole française
Scénario n°1 : Les coopératives sans attraitScénario n°2 : Un modèle coopératif pour temps de crise
- Les solutions libérales à la crise
- Un statut coopératif handicapant
- Les quelques coopératives de production d’AOC
- Dans la tourmente de la grande crise, seul le terroir résiste …
- et la Coopération est portée par les enjeux de société devenus incontournables …
- … qui, moyennant quelques adaptations, assurent la prévalence de son modèle
Scénario n°3 : La coopérative incontournable outil industrielScénario n°4 : La coopération vinicole rayonnante
- Crise marquée
- Libéralisation …et banalisation
- Le statut coopératif au bord de la crise de nerfs
- La concentration de l’offre comme planche de salut
- Un lien utilitariste à la coopération
- Un contexte économique et réglementation vitivinicole mondiaux stabilisés
- La Coopération porteuse d’un modèle économique et social
- Des unions multi territoriales comme alternative à la concentration
- Un ancrage territorial fort
(Source : adaptée de FranceAgriMer, 2017)

.
Ces quatre visions scénarisées possibles et crédibles offrent des conséquences dont les impacts respectifs sur la filière vin sont très différents. Faire émerger ces quatre scénarios puis faire le choix d’un scénario, c’est convoquer la responsabilité des acteurs qui agissent au cœur des composantes du territoire national, territoire bousculé par une crise économique et financière d’envergure mondiale.

Réunis en congrès le 6 juillet 2017, les dirigeants des Vignerons coopérateurs ont pu choisir entre les attitudes stratégiques possibles (Cf. Infra). Ils ont choisi de favoriser l’advenue du scénario « La coopération viticole rayonnante » en empêchant celle de « la coopération sans attrait » et en se préparant aux deux autres. Ce positionnement invitera surtout les acteurs à agir dans le sens d’un présent collectif et constructif afin de le bâtir ensemble à un horizon de 15 à 20 ans.

Dans un second temps, nous relatons avec davantage de précisions le processus et les résultats d’un exercice de prospective auquel ont participé deux des auteurs, réalisé sur une journée, dénommé « forum de prospective » et mis en place pour le territoire viticole du Val de Loire. Cet exercice de prospective aura généré des stratégies collectives afin de faire face aux changements en lien avec la crise climatique sur ce territoire du Val de Loire [31]. Le Val de Loire est situé sur le territoire des anciennes provinces de l’Orléanais, de la Touraine et de l’Anjou. « Le changement climatique est devenu un enjeu majeur pour les vignobles français, avec des effets sur la phénologie de la vigne, les rendements viticoles, les caractéristiques des raisins et des vins, les risques et résultats économiques, ou même la localisation des vignobles [32] ». Ces effets, déjà observés, vont s’amplifier et varier selon les territoires, les scénarios climatiques et les choix d’adaptation des acteurs de ces territoires viticoles. Afin d’analyser les conditions de ces adaptations, l’INRA (aujourd’hui INRAE) conduit depuis 2013 le projet LACCAVE (aujourd’hui LACCAVE2.21) avec comme action importante un exercice de prospective sur la filière à l’horizon 2050 [33]. Ce projet LACCAVE a produit quatre grands scénarios. Les chercheurs et leurs partenaires de FranceAgriMer et de l’INAO ont prolongé cette prospective en mettant en discussion ces quatre scénarios dans les principaux vignobles français. Sept « forums de prospective » ont ainsi été organisés entre 2017 et 2019 en Aquitaine, Languedoc, Champagne,Bourgogne, Vallée du Rhône, Alsace et Val de Loire.

La journée ou « forum de prospective » en Val de Loire s’est organisée en cinq séquences : 1) un temps de partage des connaissances sur les impacts du changement climatique et les adaptations possibles, 2) une présentation des quatre scénarios élaborés par le projet LACCAVE, 3) un travail par groupe pour préciser les enjeux et conséquences de chaque scénario pour le vignoble régional, 4) un vote individuel exprimant l’attitude stratégique des participants au regard de chaque scénario,5) le recueil de proposition d’actions pour favoriser ou défavoriser chaque scénario.

Concernant les liens entre crises et territoires, on retrouve en Val de Loire une tendance, déjà signalée par plusieurs enquêtes réalisées sur d’autres territoires viticoles : le changement climatique est perçu au regard d’événements extrêmes plus fréquents (et d’une amplification de la variabilité climatique), et « l’adaptation » est définie en premier abord comme une combinaison de réponses agronomiques et œnologiques.

Figure 2 : Le nuage des 158 mots exprimés par 80 participants en début du Forum de Prospective 2019 du Projet LACCAVE
(Source : Touzard et al., 2020)

L’intérêt d’une démarche de prospective sectorielle sur un territoire donné est précisément de se projeter dans le futur pour envisager différentes combinaisons de leviers et réfléchir à leurs enjeux et conséquences. Les scénarios sont des références contrastées parmi les futurs possibles et permettent d’accompagner la réflexion et le positionnement stratégique des acteurs dans une entreprise, un secteur ou un territoire. Quatre scénarios d’adaptation ont ainsi été prédéfinis en croisant le recours plus ou moins important à l’innovation, avec les choix de relocalisation ou non des vignobles. Ensuite en mobilisant,

  • le « scénario climatique du GIEC » en 2050 (2° C d’augmentation de la température moyenne par rapport à la période préindustrielle) avec des conséquences différentes entre le nord et le sud de la France (notamment sécheresse plus marquée au sud) ;
  • les connaissances disciplinaires des chercheurs du projet LACCAVE ;
  • des hypothèses d’évolution du contexte vitivinicole mondial tirées de prospectives antérieures ;
  • et des hypothèses élaborées à partir d’interviews de dirigeants français de la viticulture.

Les chemins narratifs conduisant préférentiellement à telle ou telle modalité d’adaptation de la filière viticole au changement climatique ont été construits.

Tableau 2 : Les quatre scénarios abordés lors du forum de prospective en Val de Loire
Le scénario conservateurLe scénario innovant
Il s’agit de modifier le moins possible l’implantation des vignobles et les pratiques à la vigne comme à la cave. La recherche a été peu sollicitée et les acteurs ont subi le changement climatique sans pouvoir bénéficier d’innovations majeures, alors que les contraintes réglementaires se sont plutôt renforcées. La production est devenue plus aléatoire en quantité et en qualité, le profil des vins a évolué mais heureusement sans rejet des consommateurs. La viticulture s’est rétractée même si certaines IGP ou AOP constituent encore des îlots de résistance. La valorisation du vin est restée associée à son contenu culturel et paysager. Il est fondé sur l’introduction massive d’innovations afin de maintenir le vignoble dans les aires géographiques actuelles, avec des profils de vins diversifiés, mais comparablesà ceux des débuts du xxie siècle. La recherche a été fortement sollicitée pour produire des connaissances utiles pour le développement d’innovations, dans un contexte où les questions d’environnement et de santé sont devenues de plus en plus prégnantes, et où l’espace agricole a été réglementé pour réserver les terres les plus fertiles aux productions alimentaires. La gouvernance de la filière s’est élargie à de nouvelles catégories d’acteurs.
Le scénario nomadeLe scénario libéral
Il met en avant la migration progressive du vignoble vers des zones plus favorables à l’intérieur des aires actuelles (accès à l’eau, altitude, moindre exposition) ou de manière plus radicale vers des régions plus septentrionales. L’enjeu est d’« échapper » aux nouvelles conditions climatiques et de conserver le profil des vins du début du XXIe siècle que les consommateurs apprécient toujours, même si les contraintes sociétales sur l’alcool et la santé ont imposé à la filière de se concentrer sur la réduction des intrants. De nouveaux vignobles sont apparus et le modèle des AOP est fortement questionné ou même abandonné dans certaines régions. Il bénéficie d’une réduction de contraintes réglementaires et géographiques et d’innovations sur les pratiques et les produits. Pour en arriver là, les opérateurs individuels ont pu mettre en œuvre une large panoplie d’innovations notamment œnologiques (aromatisation par exemple) et implanter des vignobles là où ils le souhaitaient, tout en se conformant à des exigences réglementaires en matières environnementale et sanitaire. Ce contexte s’est avéré favorable à de nouveaux investisseurs et au négoce, réussissant à contrôler l’ensemble de la filière. De plus en plus de vins technologiques sont élaborés et la Recherche & Développement (R&D) a été privatisée, ce qui a fragilisé les entreprises de production traditionnelle. 
(Source : Touzard et al., 2020)

Les participants ont alors travaillé par groupe pour envisager les enjeux et conséquences de chaque scénario en Val de Loire. Il était demandé à chaque groupe de se projeter en 2050 et d’imaginer « ce qui s’est passé depuis 2019 ». Les animateurs de l’exercice ont ainsi constitué des groupes (tables de 6 à 8 participants) en prenant soin de représenter la diversité des points de vue : producteur, négociant, acteur du conseil technique ou de la recherche, permanent de structure syndicale, etc. Les enjeux et conséquences de chaque scénario sont enregistrés sur une tablette par un des participants de chaque groupe ce qui oblige écoute et reformulation. Le consensus n’est pas nécessairement recherché et différentes opinions peuvent être prises en compte. Pour chaque scénario la séquence de travail sur les enjeux et conséquences dure entre 20 et 30 minutes et est structurée par une succession de thèmes : techniques viticoles et œnologiques, segments de marché, acteurs et territoires et organisations de la filière. Grâce à une application informatique, les éléments saisis sont visibles au fur et à mesure par les animateurs qui sont maîtres du temps et stimulent la production en annonçant régulièrement le nombre d’items enregistrés. Une synthèse des contributions peut ainsi être réalisée pendant la pause-déjeuner et présentée dans la suite de la journée avant le vote des attitudes stratégiques. Ce travail en petit groupe aide notamment à se plier au jeu ceux pour qui la projection dans le futur est difficile, ceux qui ne peuvent pas s’empêcher de juger les scénarios sur leurs caractères possible ou impossible, probable ou improbable, vrai ou faux.

IV. Discussion

Pour en revenir aux liens entre territoires et crises, dans le cadre de la prospective en Val de Loire, globalement les « votes » du Val de Loire sont très proches de la moyenne nationale. Ils privilégient un peu plus l’option « innover pour rester dans son terroir » et rejettent moins le scénario « conservateur » en voulant anticiper sa résilience possible, dans un contexte où le changement climatique y est vu comme « un peu moins contraignant que pour d’autres régions ». Ils s’interrogent sur les menaces et opportunités du scénario « nomade » et condamnent un peu plus qu’au plan national le scénario « libéral » (Cf. Tableau 3).

Tableau 3 : Les choix des attitudes stratégiques pour chaque scénario
(en % de participants, en gras, 82 votants du Val de Loire, en italique, 419 votants de toute la France ou 7 forums régionaux)
Proactivité positive Proactivité négative Réactivité anticipée Veille Aucun intérêt
Scénario conservateur 23% 21% 21% 30% 42% 30% 14% 16% 0% 3%
Scénario innovant 77% 73% 5% 3% 17% 22% 0% 1% 1% 1%
Scénario nomade 7% 3% 39% 39% 33% 29% 21% 27% 1% 2%
Scénario libéral 6% 5% 66% 59% 12% 16% 12% 18% 3% 2%
(Source : Touzard et al., 2020)

Plus largement, la présentation des quatre scénarios devant les 82 participants du Val de Loire a suscité de nombreuses réactions et propositions d’actions, avec, au-delà des différences de métiers ou d’engagement sur un type de vin ou de pratique, une volonté d’agir vite et de préserver une viticulture familiale liée aux terroirs et donc au territoire du Val de Loire. Cet exercice de prospective a donc non seulement confirmé l’intérêt que les acteurs et organisations des vignobles du Val de Loire portent à la question du changement climatique, mais a incité ces acteurs à agir ensemble collectivement. La coopération entre des personnes de différents métiers qui ne se connaissaient pas toujours est nouvelle et désormais potentiellement inscrite dans la durée. En d’autres termes, des acteurs aux profils divers et qui ne se connaissaient pas forcément avant l’exercice de prospective ont formé un réseau sur leur territoire pour agir face à la crise climatique. On peut s’interroger sur la pérennité de ce réseau ainsi formé.

De la prospective à l’action face à la crise

Si nous comparons l’exercice de prospective à d’autres formes d’actions face à la crise, par exemple la crise climatique, et incluant des modalités différentes, nous constaterons peut-être dans le temps que cet exercice de prospective ouvre des perspectives avec des apports plus larges non anticipés.

Cela a été le cas dans d’autres formes d’actions mises en place par un professeur de permaculture, Rob Hopkins qui s’installa en 2005 à Totnes, au sud du Royaume-Uni. Rob Hopkins s’est emparé du terme resilience pour tenter de définir comment adapter nos sociétés à la raréfaction des ressources, notamment celle du pétrole, et au réchauffement climatique. C’est sur un territoire donné, la petite ville de Totnes, qu’il fait naître le mouvement Transition Towns (Villes en transition) et qu’il développe sa théorie grâce à l’expérimentation grandeur nature. Depuis, Totnes est devenue un véritable laboratoire d’initiatives de transition, ayant pour objectif d’amener la ville vers plus de résilience. Rob Hopkins décrit une des actions mise en place par son mouvement à Totnes : « si vous voulez aider les gens autour de vous à économiser l’électricité, à économiser l’eau, à moins utiliser la voiture, comment faites-vous cela ? Nous proposons de former un groupe dans votre rue, 6 à 10 de vos voisins, et vous décidez de vous réunir 7 fois dans les maisons de chacun ». Ainsi, un des apports plus larges parmi ses résultats constatés et inattendus est que « tout le monde a dit, maintenant je connais les personnes de ma rue, je me sens plus connecté à cet endroit, je sais que si j’ai un problème, je connais les personnes à qui je peux demander de l’aide. Plusieurs de ces groupes ont continué à se rencontrer après avoir fait ces 7 premières réunions. Il y a là quelque chose d’important. En nous regroupant nous pouvons faire des choses que les dirigeants ne peuvent tout simplement pas faire. Si l’on veut faire cela dans le temps qu’il nous reste, cela doit venir de toutes les directions. Les communautés locales ont un rôle fondamental » [34].

Ainsi, l’exercice de prospective au service de territoires en crise peut offrir des résultats non anticipés qui invitent à l’action. D’autres vertus ont déjà été relevées, l’exercice de prospective comme dispositif de participation des acteurs qui vient compléter la démocratie élective, donc l’exercice de prospective comme forme d’enceinte de négociation où l’on construit l’intérêt général, en regard ou en contrepoids de l’organisation d’une planification centralisée à partir de Paris seulement.

« Pour demeurer désirable et tenir ses promesses en dépit des crises inéluctables, la transition énergétique et écologique devra impérativement s’accompagner d’un processus d’amélioration continue de la résilience des territoires » [35].

Le défi de la transition énergétique et écologique peut aussi être une formidable opportunité pour les territoires. L’ampleur de la tâche invite à un renouvellement des pratiques démocratiques, en particulier locales, en mettant les populations au cœur de la refondation d’un nouveau projet de territoire [36].

Conclusion

Nous avons présenté les différents apports qu’un exercice de prospective est susceptible d’offrir aux acteurs d’un territoire en crise : la reconstruction de représentations communes partagées, le désarmement des conflits à court terme, la sortie de la dictature de l’urgence. Parmi les bénéfices attendus et souvent constatés, il faut d’abord considérer que l’éclairage de l’avenir permet de jeter un regard nouveau sur le présent d’autant plus pertinent qu’il procède d’une intelligence collective, d’autant moins porteuse de conflits que l’horizon est lointain ; et pourtant par un effet « boomerang », chacun peut relire le présent au filtre de la représentation et des processus à l’œuvre présentement qui sont décrits. Ensuite, nous aurons compris comment des scénarios, ni vrais ni faux, ni probables ni improbables peuvent être analysés collectivement et surtout susciter des volontés d’action (réactivité ou pro-activité) de façon à s’y préparer, les favoriser ou les défavoriser, et donc ouvrir sur des leviers utiles au présent. Une telle fabrique de stratégies collectives peut parfois faire advenir proactivement un futur commun le plus favorable pour tous. Dans tous les cas un dernier bénéfice et non des moindres résidera dans le « team building » qu’aura permis cette quête de décrire, de comprendre et de prétendre à une capacité au moins d’infléchissement des mécanismes à l’œuvre, y compris les plus déterminants.

Concernant les limites d’un exercice de prospective au service des territoires en crise, il en existe plusieurs. Dans un monde où les acteurs sont de plus en plus interdépendants et connectés, les crises majeures s’enchaînent au point où certains auteurs invitent à saisir les intercrises comme périodes décisives pour se préparer à une prochaine crise majeure [37]. Duquesnois [38] envisage même un état permanent de crises où s’enchainent sans intercrises (donc sans répits), voire s’enchevêtrent, des crises internationales majeures de différentes natures. En France, les territoires sont connectés aux mondes internationaux et par définition largement exposés à de nouvelles crises majeures. En outre, l’éloignement d’un référentiel commun factuel et l’émergence des « fausses nouvelles » dans une société française de plus en plus « clivée » rendrait aussi nécessaire le recours à une démarche de prospective pour reconstruire des représentations communes partagées, non nécessairement consensuelles, chez ces acteurs territoriaux. Pour autant, prétendre à un exercice de prospective ne va pas de soi. Les professionnels susceptibles de mettre en place ce type d’exercice sont limités en nombre, ceci constitue en soi une première limite. « On peut apprendre à dire la messe des méthodes par cœur en quelques semaines. Mais il faut des années de pratiques et de recherches dans les textes pour devenir un professionnel expérimenté » [39]. Une autre limite est inhérente à l’exercice de prospective : vouloir construire trop de scénarios en oubliant d’inviter à l’action, en oubliant d’avoir un projet pour faire advenir un futur qui soit souhaitable par tous. Dans cette configuration, « ce n’est pas tant le manque d’information que son excédent qui obscurcit la prise de décision » [40].

Une autre limite pouvant être soulignée concerne le besoin voire la nécessité d’élargir le panel des profils des acteurs pris en compte lors de l’évaluation des conséquences des scénarios proposés. Par exemple, dans le cadre de la crise climatique, il est question d’intégrer davantage les enfants et leur droits [41] voire, selon Jacques Attali, les « générations suivantes » qui seraient alors représentées par « des personnalités qualifiées de toutes natures qui n’auraient qu’une seule mission : se mettre à la place des générations suivantes et parler en leur nom » [42]. De même, reconnaître la Nature comme sujet de droit invite à ne pas mettre l’homme exclusivement au centre lorsque sont envisagés des scénarios à 30 ou 50 ans. Comme le défendait si bien Michel Serres : « Tout mon effort dans LeContrat naturel consistait à dire qu’il ne faut pas mettre l’homme au centre » [43]. Cette dernière citation peut nous sembler paradoxale tant l’état de crise est un état anthropocentré avec une signature sociale, la crise affectant des sociétés humaines. La démographie humaine étant croissante, les territoires en crise sont de plus en plus nombreux. 

Le dérèglement climatique, l’effondrement de la biodiversité et la raréfaction des ressources naturelles constituent des bouleversements dont les effets se font déjà sentir sur tous les territoires français. Même en réduisant fortement les émissions de gaz à effet de serre (GES), les territoires feront face à une aggravation des effets du changement climatique à l’horizon 2050. Tous les domaines d’activités sont concernés par des risques multiples, susceptibles de s’agréger, de se renforcer ou de se succéder en cascade. Le risque dépend de la fréquence et de l’intensité d’un aléa d’une part, et du degré d’exposition et de la vulnérabilité des populations, des équipements et des institutions du territoire concerné d’autre part [...] Au regard des connaissances sur l’évolution du climat, les territoires français accusent un retard préoccupant en matière d’adaptation au changement climatique [44].

Nous avons tenté de comprendre pourquoi les acteurs au sein d’un territoire en crise se tournent vers l’exercice de prospective. Nous en concluons, après avoir présenté les apports potentiels, qu’il est pertinent pour ces acteurs de procéder à une démarche de prospective en contexte de crise. Toutefois, des travaux de recherche sont nécessaires pour poursuivre cette réflexion sur l’utilité d’une telle démarche. Quelques perspectives existent. Par exemple, au-delà d’une forme de réflexivité procurée par la démarche de prospective, on peut se poser la question si ces acteurs d’un territoire en crise ne rechercheraient pas un décentrement non seulement pour se réinventer mais aussi pour saisir la crise comme une opportunité de changements, à la lumière de possibles futurs.

Dans tous les cas, nous souhaitons conclure qu’il serait préférable pour les territoires de renouer avec des apports prospectifs par l’entrée dans une démarche de prospective en amont des crises. Les territoires seraient alors à même d’exploiter de nouvelles ressources : les projections réalisées par un faisceau d’experts qui éclaireront les prises de décisions nécessaires au moment d’affronter des crises ; les membres d’une « communauté participante » mieux armés pour infléchir l’avenir de leur territoire par leurs actions et surtout selon leurs propres intentions.

[1BATTLE Annie, Les travailleurs du futur, Paris, Éditions Seghers, 1986.

[2DE JOUVENEL Hugues, « Désir d’avenir », futuribles, n°342, juin 2008.

[3GODET Michel, Crise de la prévision. Essor de la prospective. Exemples et méthodes, Presses Universitaires de France, 1977, disponible sur : http://documents.irevues.inist.fr/bitstream/handle/2042/30129/XX_CNE-Prospective_000655.pdf?sequence=1 [consulté le 4 janvier 2022].

[4SEBILLOTTE Michel et SEBILLOTTE Clementina, « Recherche finalisée, organisations et prospective : la méthode prospective SYSPAHMM (SYStème, Processus, Agrégats d’Hypothèses, Micro- et Macroscénarios) », Oléagineux, Corps gras, Lipides, dossier : Prospective et recherche agronomique, 9 (2002), Numéro 5, septembre-octobre, p.329-345, disponible sur : https://www.ocl-journal.org/articles/ocl/pdf/2002/05/ocl200295p329.pdf [consulté le 4 janvier 2022].

[5OTERO Mariana, « Il est urgent de se remettre à rêver pour pouvoir avancer », interview par Lucile Commeaux de Mariana Otero, documentariste, dans l’émission A quoi rêvez-vous ?, www.franceculture.fr, diffusée le 14 mars 2022. Cette interview est disponible sur : https://www.franceculture.fr/emissions/a-quoi-revez-vous/a-quoi-reve-mariana-otero [consultée le 23 avril 2022].

[6OTERO Mariana, « Il est urgent de se remettre à rêver pour pouvoir avancer », interview par Lucile Commeaux de Mariana Otero, documentariste, dans l’émission A quoi rêvez-vous ?, www.franceculture.fr, diffusée le 14 mars 2022. Cette interview est disponible sur : https://www.franceculture.fr/emissions/a-quoi-revez-vous/a-quoi-reve-mariana-otero [consultée le 23 avril 2022].

[7DE JOUVENEL Hugues, « Désir d’avenir », futuribles, n°342, juin 2008.

[8TREYER Sébastien, « Qu’est-ce que la planification écologique ? », interview par Guillaume Erner de Sébastien Treyer, directeur général de l’Institut du Développement Durable et des Relations Internationales (IDDRI), dans l’émission La question du jour, www.franceculture.fr, diffusée le 22 avril 2022, disponible sur :https://www.franceculture.fr/emissions/la-question-du-jour/qu-est-ce-que-la-planification-ecologique [consultée le 23 avril 2022].

[9FRANCE AGRI MER, « Prospective Coopération vinicole française »,Les synthèses de FranceAgriMer, n°45 juin, 2017, 16 pages, disponible sur : www.franceagrimer.fr/fam/content/download/53318/document/Synthèse%20prospective%20coopération%20vinicole_juin2017.pdf?version=7[consulté le 4 janvier 2022].

[10TOUZARD Jean-Marc, OLLAT Nathalie, AIGRAIN Patrick, BOIS Benjamin, BRUGIERE Françoise, DUCHÊNE Éric, GARCIA DE CORTAZAR-ATAURI Iñaki, GAUTIER Jacques, HAMMOND Roy et HANNIN Hervé, « La filière Vigne et Vin face au changement climatique : enseignements d’un forum de prospective pour le Val de Loire », Norois, 255 (2020), p.83-89.

[11LAMARQUE Éric et MAYMO Vincent, « Avant-propos », dans J. Batac, E. Lamarque et V. Maymo (dir.), Management et Territoire. Mélanges en l’Honneur de Julien Batac, Caen, Editions EMS, 2022.

[12MORENO Carlos, « Préface. Les sciences du management, un atout pour nos villes et territoires », dans J. Batac, E. Lamarque et V. Maymo (dir.), Management et Territoire. Mélanges en l’Honneur de Julien Batac, Caen, Editions EMS, 2022.

[13TREYER Sébastien, « Qu’est-ce que la planification écologique ? », interview par Guillaume Erner de Sébastien Treyer, directeur général de l’Institut du Développement Durable et des Relations Internationales (IDDRI), dans l’émission La question du jour, www.franceculture.fr, diffusée le 22 avril 2022, disponible sur :https://www.franceculture.fr/emissions/la-question-du-jour/qu-est-ce-que-la-planification-ecologique [consultée le 23 avril 2022].

[14TREYER Sébastien, « Qu’est-ce que la planification écologique ? », interview par Guillaume Erner de Sébastien Treyer, directeur général de l’Institut du Développement Durable et des Relations Internationales (IDDRI), dans l’émission La question du jour, www.franceculture.fr, diffusée le 22 avril 2022, disponible sur :https://www.franceculture.fr/emissions/la-question-du-jour/qu-est-ce-que-la-planification-ecologique [consultée le 23 avril 2022].

[15LE PETIT LAROUSSE, Paris, Les Editions Larousse, 1989.

[16THOM René, « Crise et catastrophe », Communications, n°25 (1976).

[17TURNER Barry A., « The organization and interorganizational development of disasters », Administrative Science Quarterly, vol.21 (1976), p.378-397.

[18ROUX-DUFORT Christophe, La gestion de crise : un enjeu stratégique pour les organisations, De Boeck Université, 2000, 190 pages.

[19GAFFIOT Félix, Le Grand Gaffiot. Dictionnaire Latin Français, Paris, Hachette-Livre, 2000.

[20BAILLY Anatole, Le Grand Bailly. Dictionnaire Grec Français, Paris, Hachette-Livre, 2000.

[21MORIN Edgar, « Pour une crisologie », Communications, 25 (1976), p.149-163.

[22MORIN Edgar, « Pour une crisologie », Communications, 25 (1976), p. 149-163.

[23MORIN Edgar, Sociologie, Paris, Fayard, 1994.

[24COLIN Yves, « Les plans de crise : L’exemple des opérations de secours de la Sécurité Civile », Colloque Urgence, gestion des crises et décision, LERASS, Université Paul Sabatier de Tarbes, 15 et 16 mai, 1997.

[25(Source : citation attribuée à Henry Becke ; sujet d’épreuve d’admissibilité à l’ENA, concours externe 2007)

[26FRANCE STRATEGIE, « Territoires et soutenabilités : ce que les crises révèlent », Séminaire Soutenabilités, 5 décembre, 2021, disponible sur : https://www.strategie.gouv.fr/actualites/territoires-soutenabilites-crises-revelent [consulté le 4 janvier 2022].

[27HANNIN Hervé, DUQUESNOIS Franck, AIGRAIN Patrick, FERRAGE Murielle, ESCUDIER Jean-Louis, Étude Prospective Vigne-Vin-LR : Perspectives d’évolution de la filière vitivinicole dans la région Languedoc-Roussillon à l’horizon 2025, collaboration entre l’Institut des Hautes Études de la Vigne et du Vin de Montpellier SupAgro, l’INRA et FranceAgriMer, rapport remis le 10 novembre 2011 à la Direction Régionale de l’Alimentation, de l’Agriculture et de la Forêt (DRAAF-LR), 258 pages.

[28AIGRAIN Patrick, HANNIN Hervé, « La filière vitivinicole française “en crise” : les apports potentiels d’une démarche prospective », dans E. Montaigne, J.-P. Couderc, F. d’Hauteville et H. Hannin, Bacchus 2006 : enjeux, stratégies et pratiques dans la filière vitivinicole, Paris, Dunod, 2005, p.21-52.

[29SEBILLOTTE Michel et SEBILLOTTE Clementina, « Recherche finalisée, organisations et prospective : la méthode prospective SYSPAHMM (SYStème, Processus, Agrégats d’Hypothèses, Micro- et Macroscénarios) », Oléagineux, Corps gras, Lipides, dossier : Prospective et recherche agronomique, 9 (2002), Numéro 5, septembre-octobre, p.329-345, disponible sur : https://www.ocl-journal.org/articles/ocl/pdf/2002/05/ocl200295p329.pdf [consulté le 4 janvier 2022].

[30FRANCEAGRIMER, « Prospective Coopération vinicole française »,Les synthèses de FranceAgriMer, n°45 juin, 2017, 16 pages, disponible sur : www.franceagrimer.fr/fam/content/download/53318/document/Synthèse%20prospective%20coopération%20vinicole_juin2017.pdf?version=7[consulté le 4 janvier 2022

[31TOUZARD Jean-Marc, OLLAT Nathalie, AIGRAIN Patrick, BOIS Benjamin, BRUGIERE Françoise, DUCHÊNE Éric, GARCIA DE CORTAZAR-ATAURI Iñaki, GAUTIER Jacques, HAMMOND Roy et HANNIN Hervé, « La filière Vigne et Vin face au changement climatique : enseignements d’un forum de prospective pour le Val de Loire », Norois, 255 (2020), p.83-89.

[32OLLAT Nathalie, TOUZARD Jean-Marc, VAN LEEUWEN Cornelis, « Climate Change Impacts and Adaptations : New Challenges for the Wine Industry », Journal of Wine Economics, 11 (2016), p.1-11.

[33AIGRAIN Patrick, BRUGIÈRE Françoise, DUCHÊNE Éric, GAUTIER Jacques, GIRAUD-HERAUD Eric, HANNIN Hervé, GARCIA DE CORTAZAR-ATAURI Iñaki, OLLAT Nathalie, TOUZARD Jean-Marc, Une prospective pour le secteur vigne et vin dans le contexte du changement climatique, Les synthèses de FranceAgriMer, n° 40, septembre, 2016.

[34HOPKINS Rob, « Comment surmonter la catastrophe climatique ? », interview de Rob Hopkins sur Arte, 2019, disponible sur :www.youtube.com/watch?v=EGgjHinc09Uainsi que sur :https://www.arte.tv/sites/story/reportage/resilience/, [consulté le 4 janvier 2022].

[35DELCAYROU Laurent et RIET Corentin, « Villes et territoires », dans THE SHIFT PROJECT (dir.), Climat, crises : Le plan de transformation de l’économie française, Avant-propos de Jean-Marc Jancovici, Odile Jacob, 2022,p.213-224, 262 pages.

[36DELCAYROU Laurent et RIET Corentin, « Villes et territoires », dans THE SHIFT PROJECT (dir.), Climat, crises : Le plan de transformation de l’économie française, Avant-propos de Jean-Marc Jancovici, Odile Jacob, 2022,p.213-224, 262 pages.

[37MURGUE Bernadette et DELFRAISSY Jean-François, « Recherches en situation d’émergence infectieuse : la réponse à la crise se prépare dans l’intercrise », Virologie, 16 (2012), vol.1, p.3-5. ; DUQUESNOIS Franck, « In a permanent state of global crises.Why do we need to elucidate crises dynamics ? », 18 th International Conference on Business Management, 9-10 December, 2021, Faculty of Management Studies and Commerce, University of Sri Jayewardenepura, Sri Lanka.

[38DUQUESNOIS Franck, « In a permanent state of global crises.Why do we need to elucidate crises dynamics ? », 18 th International Conference on Business Management, 9-10 December, 2021, Faculty of Management Studies and Commerce, University of Sri Jayewardenepura, Sri Lanka.

[39GODET Michel et DURANCE Philippe, La prospective stratégique. Pour les entreprises et les territoires, Paris, Dunod, 2011.

[40BARTHES Roland, Le plaisir du texte, Paris, Éditions du Seuil, 1973.

[41TADDEI François, « La coopération est l’avenir de notre société », L’invité des Matins du Samedi, www.franceculture.fr, diffusée le 1er janvier 2022, disponible sur : www.franceculture.fr/emissions/l-invite-e-des-matins-du-samedi/davi-kopenawa-chaman-ecologiste-humaniste-porte-parole-international-de-la-communaute-d-amerindiens-yanomami , [consulté le 4 janvier 2022].

[42ATTALI Jacques, « Je rêve d’un droit de vote pour les générations suivantes », www.lalibre.be, mise en ligne le 12 janvier 2014, mis à jour le 18 janvier 2014, disponible sur :https://www.lalibre.be/debats/opinions/2014/01/12/jacques-attali-je-reve-dun-droit-de-vote-pour-les-generations-suivantes-PSKJAABKUVH6LFOTZLSGYHTLNA/, [consulté le 4 janvier 2022].

[43SERRES Michel, « Le droit peut sauver la nature », Pouvoirs, 4 (2008), n° 127, p.5-12.

[44DELCAYROU Laurent et RIET Corentin, « Villes et territoires », dans THE SHIFT PROJECT (dir.), Climat, crises : Le plan de transformation de l’économie française, Avant-propos de Jean-Marc Jancovici, Odile Jacob, 2022,p.213-224, 262 pages.

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